L’habilitation familiale – une nouvelle mesure de protection judiciaire innovante
Le Gouvernement a introduit, par le biais de l’ordonnance du 15 octobre 2015portant simplification et modernisation du droit de la famille, une nouvelle mesure de protection des majeurs : l’habilitation familiale.
Le législateur a désiré mettre en place une protection alternative et innove en accordant à la famille du majeur protégé une place importante dans la gestion de leurs affaires en l’absence de conflit familial.
L’habilitation familiale permettra donc aux familles de s’investir davantage dans le suivi de leurs proches sans se soumettre à une procédure judiciaire souvent longue et complexe.
La nouvelle mesure vient s’ajouter aux quatre autres mesures de protection juridique existantes : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future.
Elle emprunte également le régime de subsidiarité de ces mesures. Le Juge des tutelles peut prononcer l’habilitation familiale uniquement s’il n’existe aucun autre moyen juridique plus adapté permettant la prise en charge des intérêts de la personne vulnérable dans les actes importants de la vie civile (Code civil art. 494-2).
L’habilitation familiale est donc moins contraignante à mettre en œuvre que la tutelle ou la curatelle (I) et accorde également plus d’autonomie, tant procédurale que sur le fond, au majeur protégé ainsi qu’à la personne habilitée (II).
I. L’habilitation familiale : une protection judiciaire assouplie
La nécessité d’un certificat médical
Pour saisir le Juge des tutelles, il faut déposer une Requête accompagnée d’un certificat médical établi par un médecin choisi sur une liste émise par le Procureur de la République (Code civil art. 494-3 al. 2), et ceci, sous peine de nullité. Le juge compétent sera celui de la résidence habituelle du majeur.
Pour que la demande d’ouverture de la mesure soit prononcée, ledit certificat doit attester de l’impossibilité du majeur de s’exprimer, soit à raison d’un handicap physique, soit à raison d’une altération de ses facultés mentales (Code civil art. 425).
L’audition du majeur protégé est alors requise. Toutefois, par décision spécialement motivée, et sur avis du médecin, le juge peut statuer sans entendre le majeur vulnérable « si cette audition est de nature à porter atteinte à sa santé ou si la personne est hors d’état de s’exprimer » (Code civil art. 494-4).
Qui peut saisir le Juge des tutelles ?
L’innovation de cette mesure tient notamment aux personnes qui peuvent saisir le Juge des tutelles. Selon l’article 494-1 du Code civil les ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaires d’un pacte civil de solidarité, concubins et conjoints peuvent solliciter l’ouverture d’une habilitation familiale.
Bien que l’ordonnance du 15 octobre 2015 ait omis, dans un premier temps, les époux de cette liste, le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 20 janvier 2016 ainsi que le décret d’application du 23 février 2016 ouvrent le bénéfice de la mesure au conjoint, le nouveau dispositif ayant une portée plus large que les mécanismes de représentation entre époux.
Toutefois, cette inclusion est soumise à la condition que la communauté de vie du couple n’ait point cessé et cette limite est également applicable aux concubins et aux partenaires d’un pacte civil de solidarité.
Les personnes habilitées
Les personnes qui peuvent saisir le Juge des tutelles d’une demande d’habilitation familiale sont également celles qui peuvent être désignées comme la personne habilitée à mettre en œuvre la mesure. Le législateur est parti du postulat que le demandeur à l’action serait celui qui souhaite en exercer la charge.
L’assentiment de la famille du majeur est requis pour l’ouverture de l’habilitation familiale. L’accord doit porter tant sur le principe de la mesure que sur la personne désignée pour l’assurer.
Toutefois, pour faciliter la tâche du juge, une condition de proximité est posée à l’article 494-4 du Code civil. Le juge doit s’assurer de l’acquiescement ou l’absence d’opposition légitime de ceux précités (Code civil art. 494-1) qui entretiennent « des liens étroits et stables avec la personne ou qui manifestent de l’intérêt à son égard » et dont il connaît l’existence au moment où il statue.
Le juge statue alors sur le choix de la personne habilitée tout en s’assurant que la mesure est conforme aux intérêts patrimoniaux et personnels de l’intéressé (Code civil 494-5).
La durée de l’habilitation familiale
Le juge fixe la durée de la mesure, dans une limite de 10 ans, lors du prononcé de la mesure (Code civil art. 494-6). Celle-ci doit faire l’objet d’une publication sous la forme d’une mention en marge de l’acte de naissance du majeur (Code civil art. 494-6 al. 8).
La mesure peut faire l’objet d’un renouvellement à la demande d’une des personnes mentionnées à l’article 494-1 du Code civil ou du procureur de la République pour une nouvelle durée maximale de 10 ans.
Toutefois, par décision spécialement motivée, le renouvellement peut être prononcé par le juge pour une durée allant jusqu’à 20 ans. Pour ce faire, l’avis d’un médecin expert est requis et doit attester que l’état du majeur protégé « n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises par la science » (Code civil art. 494-6).
II. La mise en œuvre de l’habilitation familiale : une autonomie accrue
L’habilitation familiale accorde une plus grande autonomie non seulement au majeur protégé, qui jouit d’une certaine indépendance, mais également à la personne habilitée.
Une plus grande autonomie pour la personne habilitée
L’habilitation familiale peut donc être :
- Spéciale – porter sur un ou plusieurs actes relatifs aux biens de la personne à protéger permettant ainsi de cantonner les effets de l’habilitation familiale aux seuls actes autorisés ;
- Générale – si l’intérêt de la personne à protéger l’implique, le juge peut délivrer une habilitation portant sur l’ensemble des actes relatifs aux biens et/ou à la personne. La personne habilitée n’aura pas à se soucier de la distinction parfois complexe entre les actes de disposition et les actes d’administration. Par ailleurs, contrairement à la tutelle, la personne habilitée est aussi dispensée de tenir un compte de gestion annuel.
Une plus grande indépendance pour la personne vulnérable
Le majeur protégé est lui aussi doté de plus d’autonomie.
La personne vulnérable reste libre de :
- se marier
- de conclure un PACS
- de voter
Ainsi, conserve-t-il l’exercice de ses droits, hormis ceux confiés à la personne habilitée (Code civil art. 494-8).
Le juge garant des intérêts de la personne vulnérable
Les actes les plus graves sont néanmoins soumis à l’autorisation du Juge des tutelles.
Si la personne habilitée entend disposer à titre gratuit des biens du majeur protégé, il faudra qu’elle recueille préalablement l’accord du Juge des tutelles (Code civil art. 494-6 al. 4).
La personne habilitée doit également obtenir l’autorisation du juge pour accomplir les actes pour lesquels elle serait en conflit d’intérêts avec la personne protégée (494-6 alinéa 6).
Le juge peut aussi statuer sur les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en œuvre de l’habilitation familiale, à la demande des personnes ayant qualité pour solliciter la mesure ou du procureur de la République. Il peut, dès lors, être amené à modifier l’étendue de la mesure délivrée ou à y mettre fin.
La fin de l’habilitation familiale (article 494-11 Code civil)
L’habilitation familiale prend fin :
- - en cas de décès du majeur protégé ;
- - si la mesure arrive à terme ;
- - si une mainlevée de la mesure est prononcée ;
- - lorsque qu’une autre mesure de protection judiciaire s’avère soit nécessaire soit plus adaptée.
Elle est également levée si il appert que :
- - la mesure nuit à l’intéressé ;
- - la mesure a évolué au point où la mise en place d’une tutelle ou d’une curatelle est nécessaire.
* *
*
Finalement le dispositif d’habilitation familiale permettra de redonner à la famille unie et soudée une place plus importante dans la protection de leurs proches.
Si vous envisagez une mesure de protection judiciaire pour quelqu’un de votre famille, le Cabinet de Maître Couturier Leoni, spécialisé en droit de la famille, pourra vous conseiller en fonction de votre situation et vous aviser sur la procédure à envisager.
Cabinet de Maître COUTURIER LEONI
En collaboration avec Mademoiselle Katherine Fitzgerald.