La loyauté de la preuve : peut-on prouver l’existence de violences grâce à un enregistrement fait à l’insu de son auteur ?
Le Cabinet CCL, spécialiste en droit de la famille à PARIS 7ème, intervient régulièrement devant les juridictions civiles devant lesquelles se pose la question de l’administration de la preuve, notamment en cas de violences intra-familiales.
Pourquoi et comment rapporter la preuve de violences physiques ou psychologiques ?
L’article 9 du Code de procédure civile pose une règle simple puisqu’il prévoit que chaque partie doit rapporter la preuve de ses prétentions.
Pour des raisons évidentes, les magistrats ne peuvent pas se contenter de croire les parties sur parole, si bien qu’il est indispensable que chacun rapporte la preuve de ce qu’il affirme en versant des pièces aux débats.
En matière civile, différents modes de preuve sont admis. Ainsi, les violences pourront être prouvées par des attestations de témoin ayant directement assisté aux faits ou par la production de photographies, mains courantes, plaintes, certificats médicaux.
La relative flexibilité dont disposent les parties dans l’administration de la preuve judiciaire se heurte pourtant régulièrement au principe de loyauté de la preuve.
Ce principe dégagé par la jurisprudence fait obligation à chaque partie au procès civil de veiller à ce que la preuve soit administrée de manière loyale et notamment dans le respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux.
Les enregistrements effectués à l’insu de leur auteur sont-ils un procédé de preuve déloyal ?
L’équipe du Cabinet CCL, spécialisé en droit de la famille, est régulièrement confrontée à la question de l’admissibilité, devant le juge civil, d’un enregistrement effectué à l’insu de son auteur, c’est-à-dire sans que son auteur ne sache qu’il ait fait l’objet d’un enregistrement (audio ou vidéo) et soit en mesure d’y consentir.
Le cas de figure le plus classique est celui de la production d’un enregistrement dans le cadre d’une procédure aux fins de délivrance d’une ordonnance de protection.
Cette procédure permet au Juge aux Affaires Familiales de délivrer en urgence une ordonnance fixant un panel de mesures de protection, s’il considère comme vraisemblable tant les faits de violences allégués que le danger auquel la personne qui saisit le juge ou ses enfants sont exposés.
Encore faut-il parvenir à rapporter la preuve de la vraisemblance des violences et du danger qui pèse sur le demandeur à l’ordonnance de protection, ce qui, en pratique, n’est souvent pas chose aisée, notamment en matière de violences psychologiques.
Le seul élément véritablement probant est souvent l’enregistrement par exemple d’un conjoint violent qui profère des menaces, ce qui permettra de démontrer l’existence d’un danger et de violences psychologiques.
Or, la Cour de cassation a toujours fait une appréciation stricte du principe de la loyauté de la preuve s’agissant des enregistrements, en écartant par principe tout enregistrement, qu’il soit audio ou audio-visuel, dès lors qu’il est fait à l’insu de son auteur.
L’évolution récente de la jurisprudence : vers un nouvel outil à disposition des victimes.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a récemment rendu un arrêt très important le 22 février 2022 (RG n°21/12145), lequel vient nuancer cette position jusqu’alors constante.
Se basant notamment sur les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme, la Cour d’appel a retenu que le droit fondamental à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée, tel qu’un enregistrement effectué à l’insu de son auteur, sous certaines conditions.
C’est ainsi que la Cour d’appel estime qu’« en application des articles 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d'une personne à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. De même sur le fondement de l'article 9 du code de procédure civile, une pièce ne peut être écartée des débats pour violation de l'intimité de la vie privée, sans rechercher si sa production n’était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ».
Autrement dit, la Cour d’appel estime qu’une atteinte à une liberté fondamentale (droit au respect de la vie privée et au procès équitable) peut être justifiée par l’exercice d’une autre liberté fondamentale (droit fondamental à la preuve), à la condition toutefois que cette atteinte soit proportionnée au but recherché et qu’elle soit indispensable pour prouver le fait allégué.
Il s’agit donc d’une évolution jurisprudentielle qui s’inscrit dans une meilleure protection des victimes de violences conjugales, notamment en matière de violences psychologiques.
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