La vérité biologique doit-elle primer sur la paix des familles
Une évolution, ou peut-être une révolution, est en train de naître dans notre Société.
Depuis plusieurs années, il est possible d’avoir la confirmation ou au contraire l’infirmation d’un lien de filiation (et plus particulièrement d’une paternité) grâce aux tests ADN.
Vérité de la filiation qui permet enfin de sortir des secrets de famille, de confirmer le rôle de « l’ami » de la famille toujours présent depuis de si longues années, du « parrain » qui vous suit depuis si longtemps…
Alors pourquoi est-il si difficile, en France, de faire établir l’existence de cette filiation ?
Le droit actuel ne permet d’établir cette filiation que pendant des périodes de temps bien précises.
Ainsi, les articles 321 et suivants du Code Civil limitent-ils la possibilité d’introduire une action :
1) Soit pendant la minorité de l’enfant, par le biais d’une action introduite et diligentée par un parent ;
2) Soit pendant 10 ans après la majorité de l’enfant, c’est-à-dire au plus tard jusqu’à l’âge de 28 ans.
Au-delà, impossible de faire reconnaître cette filiation paternelle qui pourtant ne s’est révélée que bien plus tard, soit à l’occasion de la naissance de son premier enfant, soit à la naissance de ses petits-enfants. La naissance d’un enfant ou d’un petit-enfant est souvent l’occasion de s’interroger sur sa propre filiation, ses origines, ses ascendants.
C’est alors que se pose la question de la vérité biologique.
Mais dans notre Société, l’âge moyen du premier enfant, aujourd’hui, est fréquemment au-delà de 28 ans, tant pour les filles que pour les garçons.
La poursuite des études, le démarrage dans la vie professionnelle, l’installation dans la vie sont des préoccupations de cette période. Même si une vie amoureuse est déjà solidement installée, la venue du premier enfant est décalée; Et c’est souvent à l’occasion de la naissance d’un enfant ou d’un petit-enfant que les recherches sont commencées.
Mais l’aboutissement de ces recherches n’intervient que beaucoup plus tard et souvent, bien au-delà des dix années fixées par le Code Civil.
Il est alors trop tard pour introduire une action en recherche de paternité : l’action est alors irrecevable, c’est-à-dire impossible à jamais. (Sauf les cas très limités de possession d’état).
Et ce, malgré le fait qu’un test ADN pratiqué hors procédure démontre de manière irréfutable la précieuse paternité tant recherchée.
Mais il faut savoir que le test ADN reconnu et qui sera pris en compte par le Juge sera celui qui aura été ordonné par le Juge lui-même : actuellement, pas question en France de prendre en considération les tests établis en dehors d’une décision judiciaire.
C’est ainsi que le test obtenu hors de cette voie ne sera pas pris en considération devant le Tribunal.
Et, pour l’obtenir, il faut avoir introduit l’action avant le délai de 10 ans !
Or, ce délai de 10 ans fixé par le législateur est aujourd’hui beaucoup trop court : l’allongement de la durée de la vie, l’évolution de la Société concourent à une augmentation de ces délais.
La paix des familles n’en sera pas moins troublée : aujourd’hui, la certitude des personnes concernées par leur véritable filiation biologique, sans que celle-ci ne puisse être établie aux yeux de tous, troublent la sérénité. La non reconnaissance officielle n’apporte pas la quiétude nécessaire à la paix sociale.
Car le fait reste connu, dénoncé, prouvé sans que le Juge ne puisse officialiser la chose et ainsi apporter son rôle de reconnaissance sociale, familiale, de justice et de paix.
La méconnaissance de cette vérité biologique apporte aujourd’hui plus de troubles dans la vie sociale : la personne qui se trouve dans cette situation a un véritable sentiment d’injustice, de laisser pour compte, d’exclusion, de non reconnaissance sur sa vérité personnelle et humaine contraint qu’elle est, de rester le fils ou la fille d’un inconnu ou d’un homme qui n’est pas son véritable père.
Le Droit doit changer en prenant en compte les nouvelles données de la science.
La paix des familles est aussi à ce prix.